Stephen
Gilligan
Professeur d’hypnose,
de transe générative (US)
Psychothérapeute américain, Stephen est élève de Milton Erickson et de Grégory Bateson. Stephen est reconnu comme l'un des grands disciples de Milton Erickson, pour son travail sur les processus de reconnexion corps/esprit et les états de transe générative favorisant les changements profonds. William James disait que « l’inconscient est le cheval et que l’esprit conscient est le cavalier : c’est la relation entre les deux qui est le plus important ». C'est sur ce point qu'intervient Gilligan. Il a créé la transe générative et offre de nouvelles possibilités à la personne en l’amenant à un état d'ouverture et de bien-être appelé le « flow ».
Stephen, comment réagir face à une annonce de diagnostic difficile ?
Il faut d'abord accueillir le choc et l'émotion liés à celui-ci. Ce choc met par terre et détruit la vie. Mais il est possible d’utiliser ce stress lié à la maladie pour grandir et améliorer sa propre vie.
Est-ce que tu dirais cela à tous les malades, même aux personnes qui s’entendent dire
« Stade 4 » ?
Oui, tout dépend des mots choisis. L'annonce doit être faite de façon empathique, douce et bienveillante. Les mots choisis doivent s’adapter à la personne que l’on a en face. J'ai travaillé avec des personnes malades qui sont décédées depuis. Nous partagions des moments incroyablement sensibles notamment à la toute fin de leur vie.
Dans ma vision, la maladie permet une pause dans la vie pour redémarrer un nouveau cycle.
Mon professeur, Milton Erickson, fondateur de l'hypnose ericksonienne a contracté la polio à l'âge de 17 ans. Alors que les médecins lui avaient dit qu'il ne bougerait et ne remarcherait plus jamais, il fit un travail de visualisation intérieure en regardant sa petite sœur qui apprenait alors à marcher. Il imaginait, modélisait, se visualisait et se projetait en train de marcher parfaitement ; ce qu'il réussit à faire, malgré la douleur, jusqu'à la fin de sa vie. Dès lors, tous les jours avant d'aller au bureau, pendant 4 heures, il pratiquait un travail de visualisation et reproduisait les gestes de la marche pour atténuer ses douleurs, tenter de marcher et mener une vie normale. Certains jours, quand la douleur était trop forte, il pouvait à peine parler. Alors qu'il avait entendu que nous, ses étudiants, craignions qu’il ne meure avant qu’il nous ait appris à hypnotiser. Un jour, il nous dit avec beaucoup d'humour : « Vous pouvez être certains que mourir sera la dernière chose que je ferai ».
Mes grands-parents d'Irlande portaient systématiquement un toast en disant Don't let the bastards get you down. Alors, j'ai envie de te dire : Don't let the cancer knock you down - ne laisse pas le cancer te mettre K.-O. Mais utilise-le pour ressentir combien la vie est précieuse afin que tu en profites jusqu'à la dernière goutte. « Je pense que la maladie est une invitation à entamer une relation positive avec ta vie malgré ou grâce à la violence de cette même maladie. »
Stephen, quand tu commences à travailler, comment t’y prends-tu ?
Dans mon travail autour des maladies graves telles que le cancer, il y a toujours deux niveaux :
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​Le premier, c'est la relation entre la vie de la personne et la maladie. On comprend tous aisément qu’affronter une telle annonce fasse que la personne malade ait envie de s’effondrer, de se briser en mille morceaux et de vouloir abandonner. Malheureusement, cela l’empêcherait de profiter de la vie et compromettrait aussi son potentiel de guérison car son intention serait d'être résignée. Ma priorité est donc de dire à la personne que c’est son bien-être qui est vraiment important. Le plus gros combat d’une personne malade est de se lever le matin en se disant : « je veux profiter de cette journée car ce jour m'a été donné". C’est soutenir l'idée que "quoi qu'il arrive dans ma vie, je serai heureux » même s’il est très difficile de rester heureux dans ces circonstances. C'est un challenge, un véritable engagement de vie de rester heureux malgré la maladie et son évolution. Céder ou renoncer face à quelque chose d'aussi difficile qu'un cancer est une attitude compréhensible.
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​Le second niveau, plus expérimental, est un travail de transe dans lequel on envisage la
possibilité d’une guérison. Et si on ne peut pas parler de guérison totale, on peut dire « qui sait ce qui va se passer ? » Tu as partagé avec moi cette sorte de miracle concernant ton fils où il semblerait que le pire soit derrière vous. Espérons que ce soit bien le cas. Pour guérir, d'après ce que tu m'as décrit, ton fils est allé chercher la part la plus profonde de sa conscience créative, il a fait un travail qui lui a permis de se connecter à sa créativité. Il a affronté des endroits intimes et profonds qu'il devait regarder et gérer pour guérir son corps.
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Ça me parle ce que tu dis. Je nous revois assis sur le canapé noir du salon avec Martin lorsque nous rentrions de l’hôpital où nous venions d'entendre que la médecine ne pourrait pas le soigner. Nous étions tous les deux abasourdis par cette nouvelle terrible. Je lui ai alors demandé de me répéter ce qu'il avait entendu le matin. Après qu'il a eu répété les mots exacts qui avaient été prononcés par le médecin, je me suis permise de lui dire : « Il y a un truc qui
ne devait pas bien se passer dans ton esprit qui a modifié tes cellules, devenues cancéreuses, maintenant il faut que tu trouves en toi ce qui pourrait te guérir émotionnellement pour guérir ton corps physiquement. Ce sont tes cellules, ton corps, ton esprit et ton cœur, il n'y a que
toi qui aies la clé. Tu as reçu cette maladie exceptionnelle car tu es capable de trouver la solution. Si tu répares ce qui était cassé dans ton esprit, tes cellules suivront et guériront. »
C'est incroyable car j'ai entendu la même chose d'autres parents, alors que la maladie d'un enfant est la pire chose qu'on puisse imaginer de vivre en tant que parent.
Je confirme… Je lui ai aussi proposé ma jambe pour remplacer la sienne mais il l'a refusée.
Je peux très bien comprendre ton ressenti de parent, car j’ai une fille de 26 ans. Et une des plus belles choses qui me soient arrivées dans la vie est de réaliser que je donnerais ma vie pour elle. Enfin, il y a quelqu'un de plus important que moi qui mérite de vivre. Cette liberté de parole, en lien avec la douleur, c'est dire : « je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour maximiser les chances de mon enfant en favorisant sa capacité de guérison. » C'est ce qu'on va chercher à faire dans le travail de transe générative avec la personne malade. Les êtres humains sont des créatures conscientes, ce ne sont pas des victimes passives de leur environnement. Quand tu as un cancer, les vibrations sont si basses que tu vas devoir aller chercher profondément dans ton esprit. C’est une ouverture à « je vais faire le mieux du mieux », et parfois les miracles peuvent arriver.
C’est amusant car je n’arrive pas à réaliser la rémission de Martin, comme si mon corps était anesthésié. On revient de tellement loin que je n’arrive pas à y croire.
Bernie Siegel est un chirurgien pédiatrique qui a écrit plusieurs livres dont l’un qui s’appelle Love, Medicine and Miracles. Il travaillait avec des malades du cancer. Il se rasait la tête comme acte de solidarité et aussi pour faire partie de la communauté de ses malades. J’ai pu participer à des ateliers de travail avec lui et lui venait à mes ateliers de transe générative. Il est un modèle, une source d’inspiration pour moi. Car il travaillait sur le thème suivant : comment les médecins peuvent-ils se connecter à la personne malade à laquelle ils s'adressent ?
En France, les médecins ont de moins en moins de temps à consacrer à leurs patients, les hôpitaux ont de moins en moins de moyens et c’est difficile pour eux d’apporter une dimension humaine à leur travail.
Dans les années 60, 70 % des médecins étaient heureux et fiers de l’être. Aux États-Unis, nous assistons aujourd'hui, à une réelle crise institutionnelle : seuls 12 % des médecins sont heureux dans leur travail. Ils ont moins de temps à consacrer aux malades et surtout moins de moyens. Leur métier est difficile et mal considéré : les médecins doivent traiter les personnes comme des statistiques ; écouter, écrire la prescription de médicaments et passer au patient suivant.
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Lorsque l’on pense au travail du discours de l'oncologue en lui-même, il y a deux niveaux :
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- Le premier invite la personne à vivre l'instant présent.
- L’autre consiste à envisager la possibilité d’une guérison et là, je dirais :
« On ne peut pas vous promettre de résultats concrets concernant la guérison. Néanmoins, on peut vous promettre que si vous voulez vous sentir heureux et être dans le bien-être, c’est possible. Vous pouvez le faire, et ce, quelle que soit l’avancée de votre cancer. » Cette vision met la personne dans une bien meilleure posture pour obtenir une issue positive.
Que dirais-tu aux personnes qui pensent que l’hypnose permet de faire venir des esprits maléfiques ?
Je ne présenterais pas les choses ainsi, ce que je dirais c’est que dans nos vies, nous sommes connectés à de nombreuses communautés différentes. Lors du voyage créatif de transe générative, je prends le temps de demander ce que serait une bonne ressource qui pourrait aider la personne : « Ferme les yeux et regarde ce qui entre dans ton imagination. Cela pourrait être un ami, un membre de la famille, un animal ou même un ancêtre ». La personne qui revient
le plus souvent est une grand-mère qui est décédée. Pouvoir se dire que l'on n'est pas seul, et que l'on peut sentir le soutien d'une grand-mère dans notre cœur aide considérablement. On est très loin de la possession par les esprits que l’on peut laisser au cinéma car nous avons assez à gérer avec ce qui existe. Je suis irlandais d’origine, je suis connecté à la culture irlandaise, cela ne signifie pas qu’il y ait des esprits irlandais dans ma vie. Néanmoins, je ressens qu’il y a de nombreuses choses différentes qui construisent mon identité.
Last but not least, quels conseils donnerais-tu à une personne malade ?
On a tous besoin d’une tribu, on a tous besoin d'une grande communauté : des amis, une famille, des collègues et aussi de connecter chaque jour à quelque chose de bien plus grand que le cancer. Et utiliser cette connexion aux autres pour trouver l'énergie de se battre.
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Merci, Stephen.
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Pour en savoir plus sur la transe générative de Stephen Gilligan, cliquez ici.
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